Publié par Samir MATHIEU le mer, 16/04/2014 - 16:40

Hautes-Alpes : « Aimer à perdre la raison. Aimer à n'en savoir que dire, à n'avoir que toi d'horizon ». C'est par les paroles de ce poème d'Aragon que les avocats de l'accusée ont commencé leur plaidoierie pour Saïda Abouachem jugée coupable du meurtre de sa fille.
Dans la nuit du 8 au 9 août 2011, une bagarre éclate entre la mère et la fille et l'incompréhensible se produit. Des coups sont échangés, Marina se saisi d'un couteau et tente de se couper les veines, Saïda la pousse, sa fille tombe perd connaissance. Puis, sans pouvoir expliquer, Saïda Abouhachem étrangle sa fille avec sa ceinture de peignoir, cache son corps dans le vide sanitaire de l'immeuble dont elle a la garde aux Clos à Vars, un vide sanitaire qui jouxte la chambre de Marina, la victime. Puis débute la fuite en avant, Saïda erre pendant plusieurs jours avant de rejoindre sa sœur en Suisse puis de revenir en France dans un gîte et de tenter de se suicider. Tentative manquée puisqu'elle sera admise dans un hôpital de Lyon, lieu où elle sera arrêté et avouera très vite le meurtre de sa fille indiquant aux enquêteurs le lieu où se trouve le corps de sa fille. Nous sommes le 16 août 2011.
Au-delà des faits et du geste, que Saïda Abouhachem a toujours assumé, c'est toute la complexité de cette affaire qui a été mise en lumière lors de ces deux jours et demi d'audience. Une situation que résumera le fils de l'accusée et frère de la victime lors de son témoignage : « Je ne comprends pas. Je vis dans l'horreur et pourtant je ne peux pas haïr maman. J'ai tout perdu et elle est tout ce qu'il me reste ».
Entre horreur et fascination c'est ce qui aura primé lors de ces débats, au-delà des querelles d'experts. Comment cette famille décrite par tous comme une famille parfaite a-t-elle pu basculer dans l'horreur ? Aujourd'hui encore c'est l'incompréhension qui règne. Une mère décrite comme une femme exceptionnelle, possessive mais qui a donné sa vie pour ses enfants. « Je n'ai jamais manqué de rien même si nous n'avions pas d'argent. Ce foyer était rempli d'amour », explique Thomas Abouhachem. « Sa mère c'était son modèle. C'était à la haine à l'amour mais elle en était fière », expliquera la meilleur amie de Marina à la barre. Et pourtant. Les avocats de la défense tenteront d'expliquer le geste par le passé de Saïda, au Maroc, abandonnée par son père, puis par sa mère qu'elle retrouve à l'âge de 12 ans. Une mère qui se prostitue et emmène sa fille lors de ses orgies. Puis une fille qui sera violée par trois fois entre 12 et 18 ans avant de s'exiler à Vars à l'âge de 22 ans. « Dès son enfance on a refusé le droit au bonheur à cette femme. Les experts parlent de fascination je parle de dégoût pour ce qu'elle a pu », s'insurge son avocat.
Un passé qui resurgit avec l'adolescence de sa fille. Les relations, jusqu'alors fusionnelles entre les deux femmes se détériorent. L'affirmation de Marina et sa volonté de féminité renvoient Saïda à son passé. Mère et fille ne se comprennent plus et une spirale de violences et de disputes se met en place. Saïda entre dans une dépression où une première alerte intervient : Juillet 2010, un an avant les faits, une première dispute très violente éclate entre les deux femmes. Elles en viennent aux mains. « Elle était au bout du rouleau », explique une des amies de Saadia Abouhachem.
Les disputes et les tensions s'exacerbent entre les deux femmes. 30 juillet 2011, autre épisode de violente. 8 août, Saïda commet l'impensable. « Elle a voulu tuer sa fille » lancera l'avocate générale dans une réquisitoire très dur allant jusqu'à mimer le geste de strangulation. Silence durant 30 secondes dans la salle « c'est le temps qu'il faut pour qu'une personne perde connaissance lors d'une strangulation. Saïda a voulu tuer sa fille qui présentait un problème », relance l'avocate général qui requiert 15 ans de prison.
« C'est un crime passionnel », rétorque la défense avant d'ajouter « L'amour peut mener au désespoir. Saïda a perdu pied ». Elle sera condamné à 15 ans de prison. Stupeur dans la salle. Une peine contre laquelle Saïda Abouhachem ne fera pas appel. « Elle assume cette peine. Et au-delà de la justice des hommes, elle s'est déjà infligé la pire des punitions : la mort de sa fille », résume son avocat Me Michel Gerbaud.
Un verdict qui a pris en compte la gravité du crime : une mère qui tue son enfant. Marina, âgée de 18 ans lors du drame devait entamer des études de médecine puis de kiné à Marseille.