Auditionné par le Sénat, Christophe Castaner rappelle la consigne donnée aux forces de l'ordre : « aucune pudeur à rétablir l’ordre »

Les sénateurs attendaient les explications de l'ancien député-maire de Forcalquier Christophe Castaner, après les violences qui ont marqué la 18e manifestation des gilets jaunes le 16 mars à Paris. Quels ordres ont été donnés aux forces de l'ordre ? À quel niveau y a-t-il eu des dysfonctionnements ? La doctrine de maintien de l'ordre a-t-elle bien été modifiée ? Ce sont les réponses à ces questions qu'attendaient les sénateurs de la commission des Lois.

Bruno Le Maire, à ses côtés, était chargé d'éclairer les sénateurs sur les conséquences économiques et le préjudice commercial de ces 18 semaines de mobilisation, mais aussi sur les mécanismes d'aides prévus par l'État.

Au bout trois heures d’audition, plus de quarante questions, près de 53 minutes de réponses de la part des deux ministres.

Résumé avec Public Sénat.

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Le ministre de l’Intérieur a commencé par faire une distinction entre manifestants et casseurs. « Vous l’avez dit, samedi, Paris a été frappé de violences inacceptables » (…) le problème ce n’est pas les manifestations, ce sont les ultra-violents (…) sur les Champs-Élysées, samedi, il n’y avait pas de manifestants, il y avait des casseurs » a-t-il estimé en référence à la manifestation pour les solidarités et celle pour le climat qui se sont tenues également samedi dernier mais sans heurts.

Le ministre décompte 8 500 casseurs « prêts à tuer » dans la capitale samedi dernier. Pour un bilan de 27 magasins pillés, 130 dégradés, 79 feux dont 5 bâtiments, 30 gendarmes, policiers et pompiers blessés. « En 18 samedis, c’est le bilan le plus lourd pour les forces de sécurité intérieur » a-t-il souligné.

Concernant le changement dans la doctrine du maintien de l’ordre évoqué lors de sa précédente audition le 4 décembre dernier (voir notre article), Christophe Castaner explique que depuis 4 mois « les choses ont changé ». Mais « nous n’avons pas baissé la garde et nous nous sommes adaptés aux méthodes des casseurs » assure-t-il avant de concéder : « Il est vrai que les choses s’étaient relativement mieux passées sur Paris et la province. L’explosion que nous avons connue samedi montre les limites d’un système mis en place ».

Plus précisément, le ministre de l’Intérieur indique que la doctrine a évolué. « Nous avons choisi d’être plus mobiles. Nous avons convenu de méthodes anti-émeutes et plus seulement de méthodes de maintien de l’ordre ». Christophe Castaner se réfère également au vote de la loi anticasseurs, comme un « renforcement de l’arsenal législatif ».

Enfin, le ministre assure « qu’aucun acte ne restera impuni », indiquant que 340 interpellations ont eu lieu samedi dernier pour 60 personnes passées en comparution immédiate lundi.

Le ministre de l’Intérieur a dédouané le renseignement en amont de la journée de samedi. « Nous avions prévu ce niveau de participation, et ce niveau de violence. Le renseignement était bon », a insisté Christophe Castaner. De même, les effectifs ont été fixés en prévision (5 000 membres des forces de l’ordre). « Il n’y a donc pas eu en amont un problème d’anticipation », complète-t-il.

En revanche, la préfecture de police n’a pas répondu aux demandes de la place Beauvau, qui réclamait de faire preuve de «  grande fermeté » et de n’avoir « aucune pudeur à rétablir l’ordre », raconte le ministre. « Cette consigne n’a pas été exécutée convenablement, il y a eu des dysfonctionnements. »

Sur l’usage des armes intermédiaires de type LBD, le ministre a mis en cause les « semaines d’un travail de sape », ce qui a conduit des personnes dans la hiérarchie policière à passer des « consignes inappropriées ». Elles ont « découragé les forces de l’ordre de les employer », regrette le ministre.

 

 

Lors de son audition devant les sénateurs, Christophe Castaner a fait par ailleurs une annonce sur l’un des objectifs des manifestants lors de l’acte 18 de la mobilisation des gilets jaunes ». « Ils ont attaqué et cassé la grille du souterrain qui mène à l’Arc de Triomphe ».

À une question sur les moyens employés pour assurer le maintien de l’ordre samedi dernier, Christophe Castaner indique que 5 300 hommes étaient mobilisés au matin. « Dès le matin, nous avons vu ce qu’on appelle une mauvaise physionomie. Dès le matin, les manifestants ont voulu reprendre l’Arc de Triomphe. Ils avaient cet objectif en tête. Ils ont constitué des carrés, des tortues pour attaquer nos forces. Ils ont attaqué et cassé la grille du souterrain qui mène à l’Arc de Triomphe. Ça ne s’est pas su, je vous le livre. Et ce sont nos forces de sécurité qui ont dû libérer le souterrain à coups de grenades lacrymogènes » détaille-t-il.

Après cet événement, le ministre de l’Intérieur explique avoir pris la décision en fin de matinée « de rapatrier des forces supplémentaires sur Paris ».

 

Le sénateur LR Henri Leroy avait interrogé Christophe Castaner sur un éventuel recours à l’état d’urgence, qui se « se justifie pleinement » dans le contexte selon lui. Le ministre a fermé la porte à cette possibilité. « J’ai le sentiment qu’il ne nous donnerait pas forcément de moyens supplémentaires pour neutraliser ceux qui viennent casser ». Christophe Castaner, estime qu’il s’agit d’une « une réponse provisoire à un péril imminent », et que « nous ne sommes pas dans cette situation d’un péril imminent pour la société française ». Il a en revanche évoqué la proposition de loi anticasseurs, qui offrira de « outils utiles ».

Lors de la manifestation de samedi, 7.300 contrôles préventifs « en amont », pour détecter d’éventuelles armes par destination, ont été menés par les forces de l’ordre, répond Christophe Castaner. « Très peu ont abouti », a-t-il ajouté, en comparaison de la journée du 8 décembre. En résumé, les casseurs ont « anticipé » l’anticipation des policiers.

 

Patrick Kanner, le président du groupe socialiste, a reproché au gouvernement son objectif de suppression de 120.000 postes de fonctionnaires. Christophe Castaner a réplique en indiquant que le plan de recrutement dans les forces de l’ordre à hauteur de10.000 personnes était toujours engagé, mais que ni les gouvernements sous le quinquennat précédent, ni le gouvernement d’Édouard Philippe « n’ont priorisé » l’ordre public. Le contexte actuel amènera le gouvernement à « s’interroger » sur une nouvelle répartition des effectifs, a-t-il indiqué.

Après 29 questions posées par les sénateurs au sujet des violences de samedi dernier, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a d’abord refait un point global. Il a redit que « samedi dernier, il y a eu des dysfonctionnements dans l’application de la doctrine que nous avons fait évoluer, (…) des dysfonctionnements dans l’organisation interne ». Concernant le « pilotage », « le système qui fait remonter jusqu’au préfet de police la nécessaire intervention ne permet pas la réactivité ».

 

« L’idée » des nouveaux principes qu’il souhaite mettre en place, « c’est vraiment d’avoir une réponse graduée qui va jusqu’à l’interdiction des rassemblements ».

Autre constat suite à la journée de samedi : un « phénomène constaté de dépassement face à la violence ». Une situation qui « n’a rien à voir avec le 8 décembre », où « systématiquement, on a vu les forces de l’ordre intervenir, mettre un terme aux troubles à l’ordre public » avec « une réactivité, à laquelle nous n’avons pas assisté (samedi dernier). C’est à partir de là que nous avons pris des décisions et fait évoluer le dispositif ».

 

C’est de façon « solennelle », que Christophe Castaner a enfin tenu à expliquer les raisons du limogeage du préfet de police de Paris, Michel Delpuech. « Le préfet Delpuech est un grand préfet qui n’est pas là par hasard. C’est un préfet qui connaît son métier et qui a un sens de l’Etat remarquable » commence-t-il par louer avant de poursuivre. « Mais, samedi, des instructions sur le changement de doctrine d’usage des LBD ont été prises au sein de la préfecture de Paris sans l’assentiment du gouvernement et des deux ministres qui sont devant vous aujourd’hui ».

Le ministre de l’Intérieur précise qu’au-delà de l’usage des LBD, des décisions ont été prises au sein de la préfecture de police « sur la mobilité, sur les interpellations qui manifestement ne sont pas remontées au préfet de police et c’est un dysfonctionnement grave ». « C’est la raison pour laquelle, sans remettre en cause l’homme, nous avons souhaité qu’il y ait une reprise du management au sein de la préfecture de police ».

 
consignes
Christophe Castaner