Hautes-Alpes : la SAPN juge le projet du plan d'eau de Gap "irresponsable"

La société alpine de protection de la nature ( SAPN ), en s'appuyant sur un rapport de la MRAE (Mission régional de l'autorité environnementale), juge "irresponsable" le projet du plan d'eau de Gap. 

Le maire Roger Didier s'était engagé à créer un plan d'eau à Gap. Les associations écologistes pointent du doigt l'alimentation de celui-ci. En effet, la municipalité compte utiliser de l'eau potable pour l'alimenter. 

Ce rapport tombe à quelques jours du prochain conseil municipal de Gap, où le plan d'eau est inscrit à l'ordre du jour.

 

Voici le communiqué de la SAPN : " Nous questionnions et mettions en garde M. le Maire par un courrier du 15 avril 2019, lui signifiant

l’importance des problèmes environnementaux posés par le projet. Dans un courrier en date du 4juillet 2019, celui-ci nous répondait, assuré et rassurant, sur les différents points soulevés. A ce jour, l’appel d’offres des travaux est en cours et nous attendons l’enquête ou la consultation du public sur ce projet bien avancé. L’avis du 23 août 2019 de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) de la DREAL PACA vient pourtant confirmer les inquiétudes pointées par la SAPN. Celui-ci revient sur la qualité de l'étude d'impact du projet et les différents enjeux environnementaux soulevés. Sur la forme, la MRAE relève notamment :

- une incompatibilité avec le Schéma directeur d’aménagement des eaux (SDAGE) : « aucune démonstration n’est faite quant à l’adaptation aux effets du changement climatique, ni le partage de la ressource en eau, ou encore la préservation des milieux aquatiques... »
- un choix de site insuffisamment justifié au regard de la ressource en eau ;
- l’aménagement d’une zone humide que la commune s’était engagé à préserver en compensation des destructions de milieux occasionnées par la création de la ZAC « village automobile »il y a 8 ans ;
- des inventaires écologiques incomplets ;
- des mesures compensatoires insuffisantes ;
Sur le fond, de graves impacts sont pointés principalement sur la ressource en eau, les risques sanitaires et la biodiversité. Le projet menace de dégradations majeures les eaux de la Luye, en qualité comme en quantité, et prévoit un prélèvement de secours sur le réseau d’eau potable. Pour rappel, l’approvisionnement principal s’effectuerait sur la nappe d’accompagnement de la Luye (19m3/h) déjà déficitaire en été, celle-ci interagissant avec les eaux de surfaces, ce qui équivaut à pomper quasi directement dans la rivière et par un pompage d’appoint dans la nappe de Lachaup (15m3/h).
Sur ce point M Didier nous répondait que « la profondeur des captages, leurs distances entre eux et par rapport à la rivière, ainsi que le débit nominal prélevé, ont été étudiés pour que le prélèvement n’impacte pas le débit superficiel du cours d’eau. » Mais « L’autorité environnementale relève que ces deux pompages sont distants de 100 m environ et qu’ils concernent la même nappe d’accompagnement, et ne peut valider ces affirmations ». Elle ajoute que « du fait des liens existants entre la nappe et le cours d’eau, les pompages dans la nappe auront une incidence sur le débit de la Luye, qui sera abaissé ».
Le projet va donc va donc entrainer une baisse du débit de la Luye que nous avons déjà dénoncé. Or, on sait à quel point la Luye est régulièrement déficitaire en période d’étiage estival, cela conduit à deux risques importants :

- La capacité de dilution des eaux de la station d’épuration (STEP) est menacée. Alors que déjà on constate en aval de la STEP de la ville une qualité chimique médiocre. La MRAE affirme qu’« aucune mesure de suivi et de réévaluation du débit minimal permettant de s’assurer d’une bonne dilution des eaux de la station n’est assurée ».
- le projet prévoit une ressource de secours en pompant directement dans le réseau d’eau potable à hauteur de 15m3/h. La MRAE affirme qu’« aucune donnée n’est fournie quant à la réelle disponibilité de cette ressource ». De fait, elle ne l’est pas en période d’étiage, où des restrictions sont mises en place, sur des périodes de plus en plus élargies et au moment où le plan d’eau serait le plus fréquenté. Rappelons que l’alimentation en eau potable de l’agglomération Gapençaise n’est toujours pas assurée puisque la prise d’eau des Choulières dans le Champsaur n’est pas opérationnelle. Des risques sanitaires sérieux existent. En l’état, la configuration du projet ne permettra pas d'assurer une qualité de baignade conforme :

- l’eau des bassins de baignade doit faire l’objet d’un débit constant (ce qui évite prolifération bactérienne et des algues) : ce qui implique un renouvellement constant de l’eau du bassin contrairement à ce que prévoit la commune.
- une eau polluée issue de la nappe de Lachaup : « manganèse, ammonium, nitrites et fluorures » que le traitement UV prévu ne peut contenir ;
- la nécessité de maintenir un débit de renouvellement de l’eau « incompatibles avec les débits prévus sur les pompages... » Les menaces sur la biodiversité sont conséquentes destruction de zones humides. Ces destructions doivent faire l’objet de compensation, or, le site même du plan d’eau avait été désigné comme « zone de protection des prairies humides » comme mesure compensatoire de l’aménagement de la ZAC « village automobile ». La gestion de ces prairies aurait dû être confiée au CEN (Conservatoire des Espaces Naturels) huit ans auparavant. Pour compensation, le projet de plan d’eau propose une destruction « La surface de destruction annoncée est de 2 996 m2, incluse dans le périmètre de la mesure compensatoire de la ZAC Village automobile localisée au sud du site (1,8 ha annoncé dans l’étude d’impact de 2010)». La MRAE conclut qu’ « en l’absence de la prise en compte de la première mesure compensatoire et des effets cumulés qui sont liés, l’autorité environnementale considère que l’équivalence écologique n’est pas atteinte. Si les atteintes liées au projet ne peuvent pas être compensées de façon satisfaisante, celui-ci ne peut pas être autorisé en l’état, en application de
l’article L.163-1-I (2) du code de l’environnement (loi Biodiversité) et des orientations du SDAGE. »

En conclusion, on voit mal comment ce projet pourrait aboutir tant il semble incompatible avec les enjeux essentiels de la préservation de la ressource en eau, des milieux naturels, du bouleversement climatique en cours ou la santé des populations. Ce projet de plan d’eau payant parait être la démonstration d’une politique environnementale d’un autre temps : ignorante des enjeux environnementaux actuels comprenant périodes de sécheresse de plus en plus fortes et étendues, chute de biodiversité, bétonisation et morcellement des paysages. L’ensemble, notamment en engageant l’avenir de la ressource en eau à Gap, en qualité comme en quantité,semble tenir de l’irresponsabilité."

 

 

 

 

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