Publié par Jean Eymar le dim, 01/03/2020 - 10:00

Ce jeudi 27 février est sorti chez Plon "Le Kéké de la République", un titre ravageur pour un portrait sans fard de Christophe Castaner, signé par les auteurs Pauline Théveniaud et Jérémy Marot. Dans cet ouvrage, les journalistes rapportent notamment les propos que Christophe Castaner aurait tenu après sa sortie trop arrosée de l'hiver 2019, en plein mouvement Gilets Jaunes. Dans ce livre ils retracent le parcours du ministre de l’Intérieur, fidèle d’Emmanuel Macron, et ancien député-maire de Forcalquier Christophe Castaner.
Extraits ( Le Parisien)
"Moi ici je suis dans une prison totale. Vous ne pouvez plus sortir, plus aller boire un coup, ou alors il faut que la caravane du Tour vous accompagne", s'exclamait début 2019 Christophe Castaner à propos du manque de liberté que lui imposait son nouveau poste de Ministre de l'intérieur.
Pourtant, quelques semaines plus tard, le samedi 8 mars 2019, en pleine mobilisation des Gilets Jaunes (pour leur 17e week-end consécutif d'action), Christophe Castaner avait été photographié dans un célèbre restaurant parisien, proche de la place de l'Etoile. Une sortie festive qui tombait mal, et dont les photos avaient fait la Une du magazine Voici, avant de faire couler beaucoup d'encre et de dessiner un tableau peu reluisant, d'autant que la défense du "premier flic de France" sur le moment avait été on ne peut plus maladroite : "Il s'agit de ma vie privée et de ma famille, qui peut être respectée. J'ai rejoint une soirée, dans un cadre totalement privé, entre 23h30 et 2h du matin."
Depuis cet épisode rocambolesque, le Ministre de l'intérieur a retenu la leçon et n'a plus jamais fait de vagues. Dans Le Kéké de la République, coécrit par Jérémy Marot (journaliste à l'AFP) et Pauline Théveniaud (journaliste au Parisien) et publié aux éditions Plon ce jeudi 27 février, les deux auteurs dressent le portrait de ce Rastignac moderne et retrace le parcours de ce proche d'Emmanuel Macron. Considéré par eux comme un homme "émotif", "cash", et obsédé par sa communication, Christophe Castaner apparaît sous un nouveau jour.
Dans l'ouvrage, son frère Serge se confie quant à son tempérament, révélant notamment que le numéro 3 du gouvernement n'est pas un fêtard - "Mon frère ne boit pas", assène-t-il -, le principal concerné va également dans ce sens dans le livre que lui ont consacré les deux journalistes, révélant avec recul aujourd'hui : "Il y a des moments où vous n'êtes pas bien dans vos pompes. (…) C'était un moment où j'avais de vrais questionnements, où j'étais moins en forme et je me suis dit : 'Allez, je vais boire un coup'. Et puis je fais une connerie." Faute avouée à moitié pardonnée.
C'est que les débuts ne furent pas simples. Dès sa plus tendre enfance, marquée par une éducation paternelle à la dure. « Si mon père avait été moins radin, on aurait eu une vie plus sympa, plus radieuse », confesse-t-il dans le livre, où derrière son accent chantant du sud et sa carrure de rugbyman, l'homme cache des fêlures plus secrètes. Au point d'être, aux dires de ses proches, un hypersensible. « Il pleure tout le temps. Il pleure, il pleure, il pleure. Il pleure beaucoup. Tellement… Il est très émotif, très dans l'affect », confie un intime. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir sa part d'ombre, marquée par une ambition dévorante et une soif de reconnaissance : « Quand il s'agit de sa carrière, il n'est pas sentimental », souffle un de ses compères d'En marche. « Il a un vrai souci relationnel. Il peut être très cash, très direct. La première semaine de campagne que j'ai passée avec lui, j'ai pleuré quasiment tous les soirs parce que je le trouvais odieux », complète un lieutenant qui mena la bataille des régionales en PACA avec lui.
Ses relations avec son secrétaire d'Etat Laurent Nuñez ne sont pas toujours simples, surtout pendant la crise des Gilets jaunes. On apprend aussi qu'avec Édouard Philippe la lune de miel du début du quinquennat est aussi passée. Bref, Christophe Castaner cultive les paradoxes et s'accroche au pouvoir. « Mais pour combien de temps encore », interrogent Jérémy Marot et Pauline Théveniaud.
Notre article d'il y a un an
C’était sans compter sur l'actualité où le ministre de l'Intérieur est en première ligne. Un mois après sa nomination, le 17 novembre: voici donc des gens qui s'habillent d'un gilet jaune et commencent à occuper les ronds-points. Problème : dès la semaine suivante, se mêlent à ces justes revendications un détonnant mélange d'extrémistes, anarchistes, casseurs, voleurs... C'est le début des (gros) soucis. Les critiques se font jour sur l'organisation, sur les LBD, sur l'attitude des policiers jugée trop ferme ou trop laxiste et tant d'autres commentaires...
Contre toute attente et en dépit de l'image que veut donner de lui ces derniers jours l'opposition, Casta " tient bon". On peut même considérer qu'il se crédibilise au fil des jours et au fil des samedis d'action des gilets jaunes. Son contact permanent avec les forces de l'ordre est apprécié, les mots qu'il choisit aussi. Le climat s'améliore et le point d'orgue en est ce grand débat "à la maison" où son ami-Président vient à Gréoux-les-Bains parler transition écologique : une journée réussie, le beau temps revient à l'image du printemps qui s'installe. Pas pour longtemps...
L'enchaînement de deux samedis noirs
Deux jours après commence une spirale infernale : le voilà pris en photo dans un restaurant huppé de la capitale "en protection rapprochée" avec une dénommée Clara. Mais comment a-t-il pu ainsi s'auto-piéger ? Tout le monde se pose la question et "n'en revient pas". Chacun (ou presque) est aussi gêné aux entournures voire un peu plus. "Après tout il fait bien ce qu'il veut de sa vie privée". Mais une fois que l'on a dit cela, les images sont là, elles circulent, font le tour des réseaux sociaux et des médias qui aiment tant défaire ceux qu'ils ont fait. Chacun y va de son couplet sur le thème "ce n'est pas grave, il fait bien ce qu'il veut, mais... quand même". Le sujet devrait être quasi-inexistant mais le mal est fait. Les unes des magazines people sont là et les humoristes pour lesquels c'est du pain béni s'en donnent à cœur joie. L'image encore fragile est écornée.
Tout ceux qui apprécient Christophe Castaner, et ils sont nombreux dans nos départements, espèrent alors que le temps va faire son œuvre et que cela sera vite rangé au rang des anecdotes même si certains y voit "un caillou dans la chaussure" dont il aura du mal à se débarrasser.
Las, samedi dernier, l'acte 18 des gilets jaunes tourne au vinaigre sur les Champs-Elysées... à 900 m du Noto où s'est déroulée sa soirée du samedi précédent : 900 m de distance entre deux faits pour l'un anecdotique et pour l'autre grave pour les commerçants concernés et l'image de la France. Tout se joue dans ces 900 m des quartiers les plus huppés de Paris : les images de la soirée, celles du Fouquets et des magasins en feu s'entrechoquent, faisant encore se raccourcir les distances et le temps qui les séparent dans un amalgame presque inconscient de l'esprit.
Le voilà en retrait, le visage fermé, lorsque ce lundi le président durcit le ton et lorsque le Premier Ministre décline les mesures tout en montrant ostensiblement qu'il reprend la main.
L'opération "il faut sauver le (bon) "casta " s'engage : le préfet de Paris saute mais les ennuis ne sont pas finis. Le Premier Ministre confirme sur France 2 qu'à aucun moment sa démission n'a été envisagée. Lui, La veille sur LCI, sur France Inter cette fois, déclare ce mardi regretter sa virée nocturne. Il dément s'être fait engueuler par le chef de l'Etat : « J'ai échangé avec Emmanuel Macron samedi toute la journée, je l'ai vu samedi soir, j'ai échangé avec lui à plusieurs reprises dimanche, je l'ai encore vu hier. À aucun moment je ne me suis fait engueuler », a-t-il déclaré à France Inter ajoutant « Mais j'aurais parfaitement compris que le Président de la République m'engueule, et en plus nos relations le permettent ». Il ajoute aussi ne pas avoir envisagé de démissionner : "Je ne crois pas qu'être chef, ce soit de battre ma coulpe". Quant à la soirée, il regrette "Je me suis rendu à un anniversaire. Non pas dans une boîte de nuit, mais dans un restaurant. Ensuite, la presse people a expliqué - et vous la reprenez, dont acte - que c'était une soirée dans une boîte de nuit. La réalité, c'est un restaurant, connu à Paris, dans lequel je me suis rendu", tente Christophe Castaner. "J'ai vu la polémique. J'ai vu la mise en cause, y compris de ma vie privée, donc oui je le regrette. Mais je regrette surtout qu'aujourd'hui, on considère que, aller dans un restaurant pour rejoindre un anniversaire, ça puisse faire polémique et ça puisse faire des questions, y compris sur votre antenne", conclut-il le visage fermé. Mais devenir ministre, c'est quasiment accepter l'idée de ne plus avoir vraiment de vie privée ou si peu. En la matière, ce qui n'aurait dû être qu'une anecdote, est ressenti lourdement dans les Alpes du Sud et en Haute-Provence non pas par la nature de sa vie privée mais par son étalement.
Le voilà ensuite dans l'après-midi de mardi devant le Sénat contraint de s'expliquer devant les sénateurs et à quelque jours d'un nouvel acte des gilets jaunes. Il redit sa fermeté, confirme et précise les mesures et explique en substance que les consignes de fermeté n'ont pas été suivies.
Mais le brasier ne s'éteint pas, l'occasion est trop belle pour l'opposition (et les médias) de faire le lien entre ces deux images, sans le dire clairement d'ailleurs, et chacun y va de sa demande de démission. Quant aux médias et en particulier les chaînes d'infos, voilà des plateaux tout faits avec les experts habituels qui y vont de leurs commentaires sur l'opportunité de voir le ministre de l'Intérieur démissionner au-dessus d'un gros titre "Castaner doit-il démissionner ?"
Derrière cette polémique une question, des questions : faut-il avoir le visage sévère pour être ministre de l'Intérieur, fonction où le champ d'intervention est (heureusement) bien plus large que le maintient de l'ordre ? La fonction est elle interdite à ceux qui sont originaires du sud ? L'accent méridional est-il rédhibitoire, la convivialité d'un communiquant est-elle incompatible avec la fonction ?
Car après tout si sa démission est en l'air, a-t-il pour autant commis une faute dans l'exercice de sa charge ministérielle ? Ceux qui ne jugent que par le résultat constaté sont-ils dans le vrai ?
Mais nous sommes en 2019, et si sa démission n'est pas à l'ordre du jour, le voilà en CDD... de 4 jours jusqu'à samedi prochain.
Le vent a tourné pour "Casta" comme il tournera encore.
On le sait bien et encore mieux à Forcalquier : après la pluie c'est forcément... le beau temps, mais il est vrai que quand on est du sud on est bien peu aguerri... à la tourmente.
C'est l'occasion d'un retour sur un moment précieux que l'on a vécu en décembre , une rencontre posée et apaisée avec l'ancien député maire de Forcalquier devenu Ministre de l'Intérieur.
Nous sommes bien tombés, à ce moment là pas de faits divers à gérer, pas d'attentat, pas de pont qui s'écroule, pas de gilets jaunes...
C'est dans son Ministère devant la cheminée que Christophe Castaner nous a reçu pour se retourner sur ce parcours exceptionnel et sa 1ère année à la tête du ministère de l'intérieur.
Il est entre autre revenu sur son image d'élu du sud qui semble lui jouer des tours tout comme son petit accent et sa chaine en or.
Alors, à chaque crise on demande sa démission, une exagération démocratique nous a-t-il confié en substance.
D!CI TV : entretien avec Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur from ALTO Dici Radio on Vimeo.