Hautes-Alpes / Injection de ciment à l'hôpital de Gap : le lanceur d'alerte, aujourd'hui suspendu, témoigne

Une centaine de personne aurait servi de cobayes à un chirurgien de Gap, le docteur Gilles N. est en effet accusé d'avoir testé une technique illégale en France qui consiste à injecter un ciment dans les disques de la colonne vertébrale de ses patients. Suivant l'enquête de Serge Pueyo de RTL, le procureur de Gap vient de saisir l'Office Central de Lutte contre les Atteintes à l'Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP) à la suite de ces graves accusations lancées par un confrère du chirurgien accusé. Dans les faits, en France, on peut injecter une sorte de résine dans des vertèbres fragilisées pour les renforcer. Or le docteur a lui injecté ce "ciment" directement dans les disques de la colonne. Ce sont une centaine de personnes qui auraient été sujettes à ces expériences sans le savoir. Une opération qui qui peut provoquer des complications au niveau des nerfs, des artères. Avec un risque vital en cas d’hémorragie. A noter que selon RTL le docteur N. (accusé de ces actes) continue d'exercer, alors que le lanceur d'alerte a de son côté était suspendu.

Le témoignage de Bruno, une des victimes,  qui a porté plainte : 

(Propos recueillis par Serge Pueyo ) 

 

De son côté le médecin lanceur d'alerte reste dans l'incompréhension face à cette situation : 

L'article de RTL et l'enquête de Serge Pueyo:

Le procureur de Gap vient de saisir l'Office Central de Lutte contre les Atteintes à l'Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP) à la suite des graves accusations lancées par un chirurgien de l’hôpital de Gap à l'encontre d'un de ses confrères à qui il reproche d'avoir utilisé une centaine de patients comme "des cobayes" pour expérimenter une technique chirurgicale non validée en France.

Début 2018, alors qu'il est chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l’hôpital de Gap, le Docteur Raouf Hammami, 52 ans, dit avoir découvert que le docteur Gilles N. "a joué à l'apprenti sorcier avec une centaine de patients souffrant de problèmes de dos".

"Je suis tombé sur une étude menée entre 2015 et 2017 par ce collègue chirurgien, spécialiste du rachis, qui a expérimenté sur 87 patients une nouvelle technique, 'la cimentoplastie discale', en dehors de tout cadre légal. En France, on peut injecter du ciment ( en fait une sorte de résine) dans des vertèbres fragilisées pour les renforcer. Or le docteur N. a lui injecté ce ciment directement dans les disques de la colonne. Il peut y avoir des fuites de ciment et des complications au niveau des nerfs, des artères. Avec un risque vital en cas d’hémorragie", estime le docteur Hammami.

Ce dernier alerte donc le directeur de l’hôpital, l'Agence Régionale de Santé (ARS), le Conseil de l'ordre mais aussi le procureur. Pour "faute grave délibérée" et "mise en danger de la vie d'autrui".

L'ARS demande une expertise à deux professeurs de médecine de Nancy. Leurs conclusions sont accablantes : "Il apparaît que le Docteur N. a utilisé une technique non conforme aux données de la science chirurgicale au moment des faits. Le Docteur N. aurait dû demander l'avis d'un comité d'éthique ou d'un CPP (Comité de Protection des Personnes)". Et d'ajouter : "Conformément à la loi du 4 mars 2002, le docteur N. aurait dû pour chaque patient expliquer à ceux-ci de façon claire, intelligible et loyale, l'aspect dit 'novateur' de la technique qu'il devait utiliser".

La Société Française de Chirurgie Rachidienne a elle aussi conclu "qu'en l'état actuel des connaissances, la technique de la Cimentoplastie Discale devait être considérée comme non validée en France". 

 

Au total, c'est une centaine de patients qui aurait "expérimenté" cette technique, à leur insu. Le docteur Gilles N. n'a pas souhaité répondre aux questions de RTL. "Mon client considère que la technique de la cimentoplastie discale n'était pas innovante, qu'elle a été utilisée par d'autres confrères, notamment à l'étranger, mais aussi présentée dans des congrès médicaux", explique son avocat, Maitre Alexis Chabert.

Bruno Chevalier, un chauffeur de car 53 ans, a été opéré en juillet 2016 par le docteur Gilles N. pour un affaissement de la colonne. "Depuis l'opération, j'ai beaucoup de douleurs. J'ai du mal à marcher. J'ai même été reconnu comme travailleur handicapé à 80%. J'ai dû être réopéré pour que l'on me retire le ciment qui a débordé. Mais aujourd'hui, il en reste encore. J'ai été pris pour un cobaye par le Docteur N. qui ne m'a jamais dit qu'il allait utiliser sur moi une nouvelle technique".

Autre aspect étonnant de ce dossier : alors que le docteur N. continue d'exercer, le lanceur d'alerte, le docteur Hammami, est lui suspendu. "On veut me faire taire, m'éliminer, car cette affaire risque d'éclabousser beaucoup de monde. Mais j'irai jusqu'au bout", explique-t-il.

Source RTL 

Béton
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