Alpes de Haute-Provence : 50 ans après, Montclar rend hommage à son créateur Henri Savornin

Témoignage 


Nous devions en ce mois de janvier fêter les 50 ans de la station de Montclar. Le Covid a bouleversé nos plans.
Au moment où cette date d'anniversaire fait appel à la mémoire collective, vous êtes plusieurs à avoir demandé aux 3 enfants d’Henri Savornin, qui vient lui aussi de fêter ses 91 ans, de rendre un hommage différent à l’un des bâtisseurs de Montclar (aussi appelé Col St Jean ou ST Jean Montclar), 
Nous avons appelé Montclar, le 6e enfant de notre famille, « le trublion », qui a donné un tournant étonnant à nos vies et les conditionnent encore aujourd’hui à l’âge adulte.
Pour rappel : « ils quittent un à un le pays, pour s’en aller gagner leur vie. Loin de la terre où ils sont nés ». C’est cette chanson souvent fredonnée par mon père qui explique le projet de station à Montclar.


Plus de 55 ans en tant que maire de Montclar, son objectif : implanter sur sa commune un complexe de ski afin de créer des emplois pouvant remplacer ou compléter ceux perdus dans l'agriculture et ainsi enrayer l'exode rural. Ceux qui n'ont pas fait ce choix ont engagé, leur commune dans une spirale de désertification. Ne pas laisser partir les forces vives. Pour ce faire, il pensait qu’en portant au département à la région et à Paris conjointement les projets, montagne et Montclar, l’aménagement au travers de la captation de financement faciliterait les projets. La politique n’était pas une finalité, elle est devenue un enjeu et un outil indispensable à la stratégie d’ensemble pour sa commune.
38 ans comme conseiller général : entre autres défis, désenclaver, raccourcir la distance et sécuriser la route de Digne à Barcelonnette, déneiger, gagner la partie de l’accès pour les 3 stations de la vallée, Grand Puy, Chabanon et Montclar.
Ainsi, il a été une personne qualifiée pour siéger à la coder ancienne région. 29 ans, représentant départemental de l’ANEM (Association Nationale des Élus de la Montagne).14 ans, président de la FFEM (Fédération des Élus de Montagne), et 38 ans, CAP France dont il a été président national. 46 ans président des maisons familiales de Seyne. Il a participé par ses actions à l’écriture de la loi montagne qui a fait de nos espaces d’altitude « des exceptions » ne pouvant être traitées par l’état de la même manière que les autres territoires. Il a même été élu par la revue Montagne leader une des 25 personnalités parmi les aménageurs et sportifs de la montagne aux cotés de Killy, Pomagalski, Barnier entre autres. Ces responsabilités mises bout à bout lui permettaient d’assurer le service après-vente de sa vallée « La Blanche » et de la station. 


Nous étions 5 enfants avec un papa absent pour ne pas dire jamais là. C’était devenu une « blague » en grandissant. (Chez les Savornin’s l’humour a toujours aidé à traverser les épreuves). Pas ou peu de vacances, prises trop loin, souvent interrompues par une urgence.
Nos dimanches ? La voiture s’arrêtait invariablement à Saint Jean. Là, femme, enfants en ligne nous ramassions les pierres, les branches dans le mur de Magnan ou d’Arthur pour faciliter la glisse, nous y retrouvions d’autres personnes élues ou passionnées par le projet. La randonnée du WE commençait après le travail de bureau vers 15h, direction « toujours vite fait » Dormillouse !  Voir l’implantation de nouvelles pistes avec parfois le plaisir de se voir offrir des grives par Mr Fabre du Lauzet.

La période des élections était agitée, combien de soirées passées à plier, tamponner, mettre sous plis des centaines de lettres. Les mails n’existaient pas ! Les lendemains des élections, qu’il gagne ou qu’il perde, le retour à l’école était invariablement compliqué pour nous. C’était comme ça !
Autre trait original, notre père promenait avec chaussures de montagne et fau dans la voiture et de quoi « l’enchapper »  Quand l’herbe lui semblait haute, il s’arrêtait pour faucher les abords des immeubles avant l’arrivée des estivants, toujours en costume cravate, cela va de soi !  

En hiver, afin d’estimer les recettes des remontées mécaniques, il comptait les voitures sur les parkings lors des gros weekend ou vacances, de cela dépendait les investissements à venir.  Les soirs d’automne et d’hiver pour démarrer la production de neige de culture on entendait notre père démarrer la voiture vers 23h30 et aller voir la température au pied du « Grand Puy » qui était 3° au-dessous des 1300 m de Montclar pour savoir si les canons à neige pouvaient démarrer.

Saint Jean occupait ses pensées et tout son temps. Nous retenons particulièrement son esprit visionnaire et optimiste, sa connaissance des lois montagne, il ne se plaignait jamais. Il était attentif à tout et à tous, ouvert aux projets et à toute nouveauté qui ferait « le plus » pour la commune et qui créeraient des emplois. 


En 1971, le lendemain de l’inauguration du télésiège dont on voit les photos en ce 50e anniversaire c’était une veille d’élections, mes parents apprennent la maladie grave, évolutive de mon frère Marc. Pendant 11 ans d’handicap lourd et jusqu’à son décès nous avons vécu ce drame en huis clos. On n’en parlait pas ! Ce n’était pas une excuse pour se laisser aller. Cela a bouleversé notre perception des choses. C’est de là que le couple Henri-Lucette tirait sa force, ainsi que de leur foi chrétienne chevillée au corps. « Derrière chaque grand homme il y a une femme ». Nos parents formaient une équipe, un tandem. Maman avait un regard avisé, elle s’occupait de notre frère handicapé, de nous 4, des affaires de papa, et tant d’autres choses. Elle n’a jamais failli. Respect ! 
Rétrospectivement, quel courage il leur a fallu pour assumer leurs engagements après le décès du 1er enfant et revivre cet enfer après le départ du 2eme Christian. Alors les problèmes techniques de Lombarde d’élections, d’attaques sur sa personne parfois intolérables, ses actions, les difficultés à trouver les fonds étaient certes compliqués mais nous relativisions. 


Devenus adultes, nos engagements politiques, associatifs, syndicaux nous ont menés, aux 4 coins de France et du département où nous avons encore aujourd’hui des témoignages d’amitié, de soutien, de remerciements à transmettre à nos parents. On nous parlait souvent de ce maire, petit par la taille, qui se battait pour sauver sa commune perdue en Haute-Provence, mais dont de nombreux élus de montagne connaissaient le nom et ce jusqu’à Paris. Chirac, Gaymard, Gaudin sont venus dans notre vallée soutenir un exemple de revitalisation rurale en montagne.


Ce temps des bâtisseurs, la longévité des mandats, les défis ont changé. Ce qui a été fait ne pourrait plus l’être aujourd’hui. Même si en 2017 nous avons repris la philosophie du départ où certains Montclarins participaient avec leurs moyens au développement de leur destinée. Nous avons pu en 2017, sur ce modèle reprendre la gestion des remontées mécaniques avant leur fermeture en économie, sociale et solidaire. La comparaison s’arrête là.


Réchauffement climatique, économie, inter-communalité, les enjeux de demain restent immenses pour une commune. De nouvelles équipes ont pris la main. C’est avec plaisir que nous partageons « ce trublion » afin de lui assurer une « belle vie ».
La maxime suivie par notre père restera « là où il y a une volonté il y a un chemin » alors haut les cœurs !


Il n’était pas seul. Nombreux sont ceux qui l’ont aidé. Ses 13 frères, familles Savornin et Gras, les équipes municipales, habitants de Montclar, secrétaires et équipes de Seyne, employés de la station, d’Alp entreprise et sous-traitants, éus et amis du département et d’ailleurs, que nous avons eu la chance de côtoyer et avec qui nous avons grandi. Chacun a été un morceau vivant, enrichissant l’histoire de Montclar.

Nous tenons à les remercier pour papa. 

 

Mon image
 

témoignage
Henri Savornin
Montclar