Publié par Jean Eymar le dim, 11/12/2022 - 08:00

C'est un grand nom de l'économie de la montagne, un bâtisseur et un visionnaire qui nous a quitté le week-end même de l'ouverture de "sa" station de Montclar repoussée à ce dimanche pour des raisons météo.
Henri Savornin est décédé ce vendredi soir à l’âge de 92 ans, il aurait eu 93 ans le 14 février.
Il était à l'origine de la station de Montclar mais pas seulement. Henri Savornin s'était engagé pleinement pour l'économie de la montagne en tant qu'élu, maire pendant 55 ans et conseiller départemental, mais aussi au sein des Maisons Familiales et à l'ANEM, l'association des élus de la montagne, où son engagement et la pertinence de son approche étaient unanimement reconnues.
Ces obsèques auront lieu ce mardi 13 décembre à 14h à Montclar (Des navettes seront organisées au départ de la station ou vous êtes invités à vous garer).
Nous présentons toutes nos condoléances à sa famille et à ses proches.
Le message de son fils Bruno
Dans sa maison, entouré de ma Maman et Nous ses enfants et de l'amour de toute sa famille et ses proches.
La fin d'un long voyage. Une vie bien remplie au service des autres. De son Papa il a hérité son engagement.. il aimait sa vallée, il aimait ses habitants. Il s'est investi dans ce qu'était sa mission : sauver son pays de la désertification. Il s'est appuyé sur la politique mais aussi à L'ANEM, la FFEM tous les organismes qui permettaient d'obtenir les moyens de ses ambitions,subventions, financement, soutien.
Vos nombreux témoignages reflètent cette implication dans tous les domaines. Ils ont été lu à Maman... Maman son épouse, son binôme, sa moitié qui de son bureau assurait le lien. Son courage et son soutien dans les combats, les épreuves de la maladie de mon frère Marc et autres sont autant de fusion dans ce couple "admirable"
Mille merci à vous pour ces témoignages, un encouragement soutenu
Que Dieu vous garde
Le message de Sophie Vaginay, maire de Barcelonnette et Conseillère Régionale
Un voile de tristesse s’est posé sur nos montagnes ce matin.
Figure historique de l’âge d’or du ski dans les Alpes du Sud, Henri Savornin s’en est allé.
Visionnaire, aménageur, meneur d'hommes, il a été un des fondateurs de l'économie moderne de la montagne dans les Alpes du Sud.
La vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon salue un grand monsieur de la montagne.
A sa famille, ses amis et tous ceux qui l'ont connu, je présente mes plus sincères condoléances.
Celui de Daniel Spagnou , maire de Sisteron et président des maires des Alpes de Haute-Provence
"Je salue la mémoire de l’homme de convictions, adhérent du RPR puis de l’UMP; du maire à la longévité impressionnante puisqu’il fut maire de Montclar de 1959 à 2014 et enfin celle du bâtisseur, créateur de la station de Montclar et de l’usine d’embouteillage. J’adresse à sa famille et à ses proches mes sincères condoléances."
Celui d'Eliane Bareille, Présidente du Conseil Départemental
C'est un grand Monsieur qui nous a quitté cette nuit. Un homme bon, un homme intègre, un époux et père exceptionnel, un élu batisseur comme il n'en existe pas beaucoup. C'était mon ami, il m'a toujours fait confiance, toujours soutenu et je l'ai toujours pris comme exemple. Il n'a pas été suffisamment remercié.....Merci Henri pour ton action tout au long de ces années.
Je pense à son épouse, à ses enfants, et à cette grande famille Savornin du pays de Seynes les Alpes et je leur adresse toute mon amitié.
En 2021, nous avions diffusé ce beau message évoquant la création de Montclar et une partie de l’œuvre d'Henri Savornin
Nous devions en ce mois de janvier fêter les 50 ans de la station de Montclar. Le Covid a bouleversé nos plans.
Au moment où cette date d'anniversaire fait appel à la mémoire collective, vous êtes plusieurs à avoir demandé aux 3 enfants d’Henri Savornin, qui vient lui aussi de fêter ses 91 ans, de rendre un hommage différent à l’un des bâtisseurs de Montclar (aussi appelé Col St Jean ou ST Jean Montclar),
Nous avons appelé Montclar, le 6e enfant de notre famille, « le trublion », qui a donné un tournant étonnant à nos vies et les conditionnent encore aujourd’hui à l’âge adulte.
Pour rappel : « ils quittent un à un le pays, pour s’en aller gagner leur vie. Loin de la terre où ils sont nés ». C’est cette chanson souvent fredonnée par mon père qui explique le projet de station à Montclar.
Plus de 55 ans en tant que maire de Montclar, son objectif : implanter sur sa commune un complexe de ski afin de créer des emplois pouvant remplacer ou compléter ceux perdus dans l'agriculture et ainsi enrayer l'exode rural. Ceux qui n'ont pas fait ce choix ont engagé, leur commune dans une spirale de désertification. Ne pas laisser partir les forces vives. Pour ce faire, il pensait qu’en portant au département à la région et à Paris conjointement les projets, montagne et Montclar, l’aménagement au travers de la captation de financement faciliterait les projets. La politique n’était pas une finalité, elle est devenue un enjeu et un outil indispensable à la stratégie d’ensemble pour sa commune.
38 ans comme conseiller général : entre autres défis, désenclaver, raccourcir la distance et sécuriser la route de Digne à Barcelonnette, déneiger, gagner la partie de l’accès pour les 3 stations de la vallée, Grand Puy, Chabanon et Montclar.
Ainsi, il a été une personne qualifiée pour siéger à la coder ancienne région. 29 ans, représentant départemental de l’ANEM (Association Nationale des Élus de la Montagne).14 ans, président de la FFEM (Fédération des Élus de Montagne), et 38 ans, CAP France dont il a été président national. 46 ans président des maisons familiales de Seyne. Il a participé par ses actions à l’écriture de la loi montagne qui a fait de nos espaces d’altitude « des exceptions » ne pouvant être traitées par l’état de la même manière que les autres territoires. Il a même été élu par la revue Montagne leader une des 25 personnalités parmi les aménageurs et sportifs de la montagne aux cotés de Killy, Pomagalski, Barnier entre autres. Ces responsabilités mises bout à bout lui permettaient d’assurer le service après-vente de sa vallée « La Blanche » et de la station.
Nous étions 5 enfants avec un papa absent pour ne pas dire jamais là. C’était devenu une « blague » en grandissant. (Chez les Savornin’s l’humour a toujours aidé à traverser les épreuves). Pas ou peu de vacances, prises trop loin, souvent interrompues par une urgence.
Nos dimanches ? La voiture s’arrêtait invariablement à Saint Jean. Là, femme, enfants en ligne nous ramassions les pierres, les branches dans le mur de Magnan ou d’Arthur pour faciliter la glisse, nous y retrouvions d’autres personnes élues ou passionnées par le projet. La randonnée du WE commençait après le travail de bureau vers 15h, direction « toujours vite fait » Dormillouse ! Voir l’implantation de nouvelles pistes avec parfois le plaisir de se voir offrir des grives par Mr Fabre du Lauzet.
La période des élections était agitée, combien de soirées passées à plier, tamponner, mettre sous plis des centaines de lettres. Les mails n’existaient pas ! Les lendemains des élections, qu’il gagne ou qu’il perde, le retour à l’école était invariablement compliqué pour nous. C’était comme ça !
Autre trait original, notre père promenait avec chaussures de montagne et fau dans la voiture et de quoi « l’enchapper » Quand l’herbe lui semblait haute, il s’arrêtait pour faucher les abords des immeubles avant l’arrivée des estivants, toujours en costume cravate, cela va de soi !
En hiver, afin d’estimer les recettes des remontées mécaniques, il comptait les voitures sur les parkings lors des gros weekend ou vacances, de cela dépendait les investissements à venir. Les soirs d’automne et d’hiver pour démarrer la production de neige de culture on entendait notre père démarrer la voiture vers 23h30 et aller voir la température au pied du « Grand Puy » qui était 3° au-dessous des 1300 m de Montclar pour savoir si les canons à neige pouvaient démarrer.
Saint Jean occupait ses pensées et tout son temps. Nous retenons particulièrement son esprit visionnaire et optimiste, sa connaissance des lois montagne, il ne se plaignait jamais. Il était attentif à tout et à tous, ouvert aux projets et à toute nouveauté qui ferait « le plus » pour la commune et qui créeraient des emplois.
En 1971, le lendemain de l’inauguration du télésiège dont on voit les photos en ce 50e anniversaire c’était une veille d’élections, mes parents apprennent la maladie grave, évolutive de mon frère Marc. Pendant 11 ans d’handicap lourd et jusqu’à son décès nous avons vécu ce drame en huis clos. On n’en parlait pas ! Ce n’était pas une excuse pour se laisser aller. Cela a bouleversé notre perception des choses. C’est de là que le couple Henri-Lucette tirait sa force, ainsi que de leur foi chrétienne chevillée au corps. « Derrière chaque grand homme il y a une femme ». Nos parents formaient une équipe, un tandem. Maman avait un regard avisé, elle s’occupait de notre frère handicapé, de nous 4, des affaires de papa, et tant d’autres choses. Elle n’a jamais failli. Respect !
Rétrospectivement, quel courage il leur a fallu pour assumer leurs engagements après le décès du 1er enfant et revivre cet enfer après le départ du 2eme Christian. Alors les problèmes techniques de Lombarde d’élections, d’attaques sur sa personne parfois intolérables, ses actions, les difficultés à trouver les fonds étaient certes compliqués mais nous relativisions.
Devenus adultes, nos engagements politiques, associatifs, syndicaux nous ont menés, aux 4 coins de France et du département où nous avons encore aujourd’hui des témoignages d’amitié, de soutien, de remerciements à transmettre à nos parents. On nous parlait souvent de ce maire, petit par la taille, qui se battait pour sauver sa commune perdue en Haute-Provence, mais dont de nombreux élus de montagne connaissaient le nom et ce jusqu’à Paris. Chirac, Gaymard, Gaudin sont venus dans notre vallée soutenir un exemple de revitalisation rurale en montagne.
Ce temps des bâtisseurs, la longévité des mandats, les défis ont changé. Ce qui a été fait ne pourrait plus l’être aujourd’hui. Même si en 2017 nous avons repris la philosophie du départ où certains Montclarins participaient avec leurs moyens au développement de leur destinée. Nous avons pu en 2017, sur ce modèle reprendre la gestion des remontées mécaniques avant leur fermeture en économie, sociale et solidaire. La comparaison s’arrête là.
Réchauffement climatique, économie, inter-communalité, les enjeux de demain restent immenses pour une commune. De nouvelles équipes ont pris la main. C’est avec plaisir que nous partageons « ce trublion » afin de lui assurer une « belle vie ».
La maxime suivie par notre père restera « là où il y a une volonté il y a un chemin » alors haut les cœurs !
Il n’était pas seul. Nombreux sont ceux qui l’ont aidé. Ses 13 frères, familles Savornin et Gras, les équipes municipales, habitants de Montclar, secrétaires et équipes de Seyne, employés de la station, d’Alp entreprise et sous-traitants, élus et amis du département et d’ailleurs, que nous avons eu la chance de côtoyer et avec qui nous avons grandi. Chacun a été un morceau vivant, enrichissant l’histoire de Montclar.
Nous tenons à les remercier pour papa.